De la poire à l'alcool spiritueux de poire

Quelles sont les différentes étapes de l'élaboration d'un alcool blanc à partir d'une poire ?

La poire est un fruit charnu issu de l’arbre nommé « poirier ». Son « jus » peut fermenter pour être ensuite distillé et ainsi obtenir un alcool blanc à fort degré alcoolique.

Tous les alcools ne sont pas propres à la consommation. Nous allons nous intéresser à un cas particulier d’alcool, l’éthanol, appelé aussi alcool éthylique, entrant dans la composition des boissons alcoolisées. En chimie, l’éthanol est usuellement désigné par l’abréviation EtOH. C’est un liquide incolore, miscible à l'eau.
Dans la vie courante, il est souvent simplement appelé «alcool», car l'éthanol est l'alcool qui se retrouve dans toutes les boissons alcoolisées. Cet éthanol s’obtient grâce à la fermentation de jus sucrés.
Dans ce TPE nous allons démontrer comment produire un alcool pur, un alcool dit spiritueux « simple » plus couramment appelé « eau de vie » ou encore « gnôle »; et cela à partir d’un fruit, la poire.

Tout d’abord, nous étudierons le fruit dès sa naissance, notamment le processus de transformation qui permet le passage de la fleur à la poire, véritable matière première que nous allons transformer.
Ensuite nous verrons le processus central de la transformation du jus de fruit en alcool par fermentation. Cette étape marquera l’apparition d’éthanol en assez faible quantité.
Enfin, nous procéderons à une distillation permettant d’augmenter le degré d’alcool visant à mieux faire ressortir les arômes de la matière première.
Notre but est de comprendre la transformation de cette matière première en eau-de-vie de poire par constatations expérimentales.
Ce processus est similaire pour nombreux fruits sucrés tels que la pomme, la prune, la framboise…


I - L'étude d'un fruit : la poire

Par quel processus le fruits est-il créé sur le poirier à partir d'une fleur ?



A) Les bourgeons

Le bourgeon est cet organe de la plante, une excroissance au niveau supérieur de la partie caulinaire des arbres, qui permet la naissance des tiges ou des fleurs notamment, et par extension des fruits. Le bourgeon est en fait une « feuille miniature ». Il est d'ailleurs protégé par ces « écailles » lors de la période hivernale, ce qui empêche l'intérieur du bourgeon de geler. Il est constitué d'une tige embryonnaire, qui formera par la suite l'axe de la tige, d'ébauches foliaires, qui formeront plus tard les feuilles, et d'un méristème, c'est-à-dire un point végétatif ou floral qui permet la division cellulaire, qui elle-même permet la croissance de la tige ou de la plante.

Il existe plusieurs types de bourgeons. Certains peuvent donner naissance à une tige feuillée, et d'autre à une fleur : ce sont ces « bourgeons floraux » qui nous intéressent pour la future formation d'un fruit. Ceux-ci sont souvent plus courts et larges que les bourgeons à feuille.


B) La fleur

1. Qu'est-ce qu'une fleur ?


Ce que l'on appelle communément une « fleur » est en réalité l'enveloppe des organes sexués, qui se nomme « périanthe ». Chaque fleur est constituée d'un pédoncule (la tige), d'un réceptacle, sur lequel sont fixés pétales (dont l'ensemble forme la corolle) et sépales (dont l'ensemble forme le calice).


2. Photosynthèse

Toutes les cellules ont besoin d'énergie pour assurer leur activité métabolique et leur reproduction.
La réalisation de la photosynthèse n'est possible qu'en présence de lumière, de dioxyde de carbone, et d'eau agissant sur la plante. Dans un environnement normal, les cellules trouvent de la lumière dans les rayons du soleil, du gaz carbonique dans l'air (qui en contient environ 30 %), et des molécules d'H2O dans la sève contenue dans ses racines. Le dioxyde de carbone contenu dans l'air entre dans la feuille par des stomates. L'énergie lumineuse est quant à elle interceptée par les chloroplastes contenant la chlorophylle qui est un pigment assimilateur également situé sur la feuille. Enfin, l'eau est transportée depuis les racines jusqu'aux feuilles par le xylème (tissu végétal). Ainsi, toutes les molécules précédemment citées réagissent entre elles et permettent à la plante de synthétiser des glucides transportés par la sève et de rejeter de l'oxygène. Les chloroplastes constituent le siège de cette transformation.

Réaction simplifiée de la photosynthèse
6CO2 + 12H2O + lumière → C6H12O6 + 6O2 + 6H2O

Cependant, ces cellules, qualifiées d'autotrophes car elles peuvent assurer la photosynthèse, sont capables de dégrader par respiration une partie des molécules organiques qu'elles produisent la nuit.


L'autotrophie

On peut donc dire que la photosynthèse permet la production de glucides qui vont être transportés dans tout le végétal grâce au réseau que constituent les nervures pour le nourrir et qui se retrouveront ensuite dans le fruit.


C) La transformation de la fleur au fruit

Le fait que la fleur fane, est dû au processus de reproduction des plantes. C'est-à-dire que si les fleurs ne fanaient pas, elles ne pourraient pas renaître, et retrouver l'éclat de leur splendeur printanière.

Les différentes étapes de la transformation de la fleur en fruit sont :

A ce stade, à part l'aspect esthétique qu'elle peut apporter, la fleur n'a concrètement plus aucune utilité. Les pétales, les étamines, le style et le stigmate se dessèchent, puis les pétales et les étamines tombent.

La paroi de l'ovaire, le pistil, va former le péricarpe, l'enveloppe qui protège la graine pendant leur développement. C'est à dire que durant l'été, il va grossir jusqu'à former le fruit, qui sera de plus en plus gros à mesure qu'il mûrit. La chair du fruit est pleine de sucre lorsqu'il a atteint sa taille maximale. Les insectes sont attirés par le sucre et mangent les fruits, puis vont emmener les graines et les déposer au hasard de leurs errances.

En fait, dans la poire, ce que l'on mange est le conceptacle et le fruit, au sens strict, est ce que l'on appelle "le trognon".


Le fruit dans le cycle de reproduction

D) Le fruit : composition de la poire, base de notre fermentation

La poire est le fruit du poirier. Crue, elle est composée à environ 84% d'eau (H2O) et de glucides, plus généralement appelés « sucres », tel que le fructose et par plus petites quantités de glucose qui sont deux isomères de formule brute C6H12O6.
De plus, on trouve en plus faible quantité des lipides (0.3%/poire) et des protides (0.1%/poire)
Les poires que nous avons utilisées tout au long de ce TPE sont des poires de variété Passe-Crassane issues de l'agriculture biologique.

Pour réaliser tous les tests qui vont suivre, nous avons broyé des poires dite « bio » c'est à dire sans aucun engrais ou pesticide. Nous avons ensuite filtré ce broyat pour obtenir quelques millilitres d'un jus « homogène ». Notre but était de montrer la présence de glucose dans le fruit, pour pouvoir ensuite aborder et comprendre le processus de fermentation, qui a pour réactif le glucose.


1. Test à la liqueur de Fehling : mise en évidence de la présence de sucres

Ce test permet de mettre en évidence la présence de sucres réducteurs dans une solution donnée. Un sucre réducteur est un réducteur dans une équation d'oxydoréduction avec les ions cuivres, c'est à dire qu'il est donneur d'électrons. Différents sucres sont réducteurs : le glucose, le lactose, le maltose, le galactose ; en revanche des sucres comme le saccharose et le fructose ne le sont pas.
Ce test consiste à verser quelques gouttes du jus de fruit dans de la liqueur de Fehling pour vérifier la présence de ces sucres. La liqueur de Fehling contient des ions cuivre, et est donc de couleur bleue. Lorsqu'on la chauffe en présence d'une substance réductrice, elle devient rouge brique.

Jus de poire + liqueur de Fehling On verse quelques gouttes de jus de poire dans la liqueur de Fehling de couleur bleue. On obtient alors ce liquide de couleur verdâtre.
Jus de poire + liqueur de Fehling que l'on chauffe On chauffe la solution, celle-ci devient orangée. Nous ainsi avons mis en évidence la présence de sucres réducteurs dans le jus de poire.

2. Chromatographie des sucres

Après cela, nous avons cherché à identifier les différents sucres présents dans le fruit, en réalisant une chromatographie.
Notre solvant était constitué d'un mélange de méthyl-éthyle-cétone (60%), d'acide acétique glacial (20%), et de méthanol (20%). Nous avons placé sur le front de l'éluant des solutions pures de glucose, de saccharose et de fructose et de notre jus de poire.
Nous n'avons pas réussi cette expérience.

Nous avons réalisé cette expérience deux fois, sans succès. Après la première tentative, nous avons supposé que la plaque à chromatographie était trop petite pour que les différents sucres puissent se « détacher ». Nous avons recommencé la semaine suivante, mais ce avec une plaque à chromatographie nettement plus grande. L'expérience a échoué à nouveau, car les sucres ne se sont pas non plus différenciés, nous n'avons donc pas pu les identifier. Nous avons fini par en déduire que le solvant que nous avions n'était pas efficace. Finalement, nous avons dû nous contraindre à arrêter cette expérience.


3. Test bandelettes glucose

Nous avons voulu prouver la présence de glucose dans la poire. Pour cela nous avons réalisé un test glucose grâce à une bandelette permettant de déterminer la présence de glucose dans une solution.

On trempe la bandelette identificatrice de glucose dans la solution de jus de poire. Bandelette « témoin » en haut Bandelette révélatrice trempée dans le jus de poire en bas.

La bandelette est devenue violette, indicateur nous permettant d'apprendre (sans surprise !) qu'il y a du glucose dans le fruit.


4. Test biuret

Nous avons, dans le but de prouver la présence (ou l'absence) de protides, effectué le test du Biuret. Nous avons fabriqué cette solution, qui est un mélange de sulfate de cuivre (CuSO4) et de soude (hydroxyde de sodium : NaOH). Lorsque la solution à identifier contient des protéines, la réaction est telle qu'à la fin, la coloration de la solution finale est violette. Or, nous avons observé la formation d'un précipité. Nous n'avons pu voir aucune couleur violette dans la solution, rien que du bleu très prononcé. Nous en avons donc conclu que les protides étaient absents dans la poire, ou alors en vraiment très faible quantité. Les chiffres que nous avons trouvés abondent d'ailleurs en ce sens.


II - La fermentation éthylique (ou fermentation alcoolique)

Comment l'éthanol se forme-t-il à partir de notre fruit qu'est la poire ?



A) Qu'est-ce qu'un moût ?

Le moût est la mixture obtenue après pression de fruits destinés par la suite à la fermentation. Cette opération consistant à désolidifier le fruit pour mettre en contact les différents composants utiles à la fermentation est appelée pressurage. Traditionnellement cette opération était effectuée par foulage, notamment pour le raisin.


Opération traditionnelle de foulage effectuée dans ce cas pour le pressurage du raisin

Le moût est caractérisé principalement par sa teneur en sucres. Ce facteur conditionne la fermentation ultérieure et la quantité d'éthanol produit.


B) Préparation de notre moût

La concentration en sucre dans le fruit initial détermine, en partie, le taux d'alcool du moût fermenté.

Cette donnée est très utilisée pour contrôler le degré alcoolique espéré après fermentation. Il suffit d'ajouter la quantité de sucre manquante ou de diluer le moût trop riche en sucres : c'est la chaptalisation. Ainsi, 17g de sucre rajoutés à 1L de moût permettent d'obtenir théoriquement 1 degré supplémentaire à l'issue de la fermentation, dans une certaine limite. Le « jus » idéal peut alors être préparé.

A la température 20°C
Densité G sucre/litre Alcool potentiel en degré (°)
1 030 73,00 4,29
1 039 96,00 5,65
1 040 98,00 5,76
1 041 100,00 5,88
1 042 102,00 6,00
1 050 119,00 7,00
1 060 140,00 8,24
1 070 162,00 9,53
1 080 183,00 10,76
1 090 204,00 12,00
1 100 225,00 13,24

Tables de correction alcoométriques ou richesse en alcool, 1940, Dujardin-Saleron





Tableau simplifié pour contrôler les teneurs en sucre et obtenir un « jus » idéal

Nous avons donc préparé un moût en broyant des poires.

Nous avons prélevé 20 ml de jus pour déterminer la densité de notre moût liquide.

En raison de notre faible quantité de fruit, nous avons fait fermenter notre broyat dans un bidon hermétique.

On peut connaître la densité d'un moût liquide à l'aide d'un densimètre (aussi appelé hydromètre, mustimètre, pèse-moût, aréomètre).
Ne possédant pas cet instrument, nous avons cherché la masse volumique de notre solution de jus de poire pour en déduire sa densité.


20 ml de jus de poire équivaut à 20.80g



Masse « jus » = 20.80g
Volume « jus » = 20mL = 20 cm3


Or masse volumique = ρ = m/v
Donc ρ«jus » = 20.80/20 = 1.04 g/cm3
De plus, densité d'un corps = d = ρ corps / ρ référence, ici ρ référence = ρ eau = 1 g/cm3
Donc d«jus » = 1.04/1 = 1.04

Expérimentalement, nous avons donc trouvé que la densité de notre jus de poire est de 1.04.
En se référant aux tableaux ci-dessus, nous pourrons donc espérer un alcool à environ 5.8° soit 5.8% vol. d'éthanol dans la solution à l'issue de la fermentation.


C) Les levures

1. Définition

Le terme de levure est le nom générique donné à tous les organismes vivants unicellulaires eucaryotes provoquant la fermentation.

Leur taille varie de 6 à 10 µm (1 micromètre=un millième de mm= 10-6m)

Nous avons étudié au microscope de la « levure de boulanger » aussi appelée « levure de bière ».

Cellules de levure Saccharomyces cerevisiae (x1000)

Au microscope, elles apparaissent de formes arrondies ou ovoïdes. Mais il s'agit en réalité de champignons microscopiques, dont il existe de nombreux genres.
Appartenant botaniquement aux champignons, elles sont en mesure de transformer sans un apport d'air des sortes de sucres comme le glucose et le fructose en alcool éthylique et gaz carbonique.

Les levures sont omniprésentes dans la nature, vivant naturellement collées sur la peau du fruit par exemple.


2. Rôle des levures dans la fermentation alcoolique

C'est en 1860 que Pasteur prouve que la fermentation est causée par des organismes vivants et affirme que les agents responsables de la réaction doivent être liés à la cellule de la levure. Pour lui, « toute fermentation est due à la présence d'un micro-organisme ».
Il démontre ensuite que la levure peut vivre aussi bien en présence qu'en l'absence d'oxygène. Les levures se multiplient par respiration en milieu oxygéné, provoquant une fermentation en anaérobiose.

La plupart des levures utilisées par l'homme pour la fermentation alcoolique appartiennent au genre Saccharomyces, littéralement « champignon du sucre ».
Au fil du temps, l'homme va sélectionner certaines levures comme Saccharomyces carlbergensis et Saccharomyces uvarum qui contribuent respectivement à la fabrication de la bière et du vin.

Toutes les réactions chimiques qui permettent le fonctionnement des êtres vivants sont catalysées par des protéines particulières, les enzymes. Ces catalyseurs permettent à une réaction de se faire plus facilement, et on les retrouve toujours en fin de réaction.
Comme toutes les cellules vivantes, les micro-organismes que sont les levures, sécrètent de multiples enzymes.

Dans notre cas de fermentation éthylique, le milieu est un moût et le micro-organisme est une levure.


D) Le processus de fermentation

1. Définition

Cette étape consiste à laisser reposer le moût dans un milieu dépourvu d'air (anaérobie) afin que les levures présentes initialement sur la peau du fruit transforment les sucres en alcool et en dioxyde de carbone (CO2).

La fermentation alcoolique est le résultat d'une chaîne métabolique (ensemble des transformations moléculaires et énergétiques qui se déroulent dans la cellule) transformant des sucres fermentescibles par des levures en alcool et en dioxyde de carbone, avec dégagement de chaleur.
Ce processus est une alternative à la production d'énergie directement disponible pour la cellule, l'ATP, qui est une molécule indispensable à la vie de la cellule de levure. En effet, en aérobiose, vie en présence d'air, la respiration transforme du glucose en gaz carbonique et ATP à l'aide de l'oxygène. Mais nous n'aborderons pas ce processus.

Son mode de production d'énergie dépend donc de son milieu ambiant.


2. Mise en évidence de la réaction chimique globale

Grâce à des sondes, on peut suivre au cours du temps les quantités de trois produits différents dans une cuve contenant du glucose et des levures.


Taux de dioxygène, de dioxyde de carbone, d'éthanol en fonction du temps lors d'une fermentation alcoolique

L'utilisation d'une sonde éthanol et d'une sonde CO2 avec un dispositif ExAO indique qu'au cours de la fermentation alcoolique il se forme du CO2 et de l'éthanol.
De plus on peut constater que la production d'éthanol se fait uniquement lorsque la concentration en O2 est faible ou nulle: en milieu anaérobie. Cette expérience permet de déduire l'équation de la réaction chimique globale de fermentation alcoolique suivante : C6H12O6 -> 2 C2H5OH + 2 CO2

Nous pouvons désormais mieux comprendre le terme de fermentation venant du latin « fervere » qui signifie dégager des bulles. En effet, il est possible d'observer un dégagement de dioxyde de carbone.


E) Un des produit de la fermentation, le dioxyde de carbone

Nous savons qu'un gaz est issu de la fermentation. Après avoir mis dans une bouteille du jus de poire fraîchement pressé, et en plaçant un ballon au niveau du goulot, nous remarquons qu'au bout de trois jours, le ballon s'est gonflé.


Observation d'un dégagement gazeux issu d'une fermentation

L'eau de chaux nous permet de caractériser ce gaz. En effet, l'eau de chaux se trouble et devient alors blanchâtre en présence de dioxyde de carbone.
Ce test s'est révélé positif, confirmant que le gaz formé par fermentation est du dioxyde de carbone.


Eau de chaux témoin à gauche, eau de chaux légèrement troublée à droite

F) L'éthanol, produit désiré de la fermentation

1. Formation d'éthanol

Pour vérifier la formation d'éthanol lors de ce processus, nous utilisons un éthylotest. Après avoir versé une goutte de solution, l'indicateur composé de dichromate de potassium vire au vert, confirmant la présence d'éthanol.


Ethylotest avant et après injection d'une goutte de jus fermenté → présence d'éthanol

2. Détail des étapes de la fermentation

Les réactions de fermentation de déroulent dans le hyaloplasme de la cellule de levure. On peut diviser cette opération en deux phases.
Tout d'abord, le glucose subit une glycolyse anaérobie pour obtenir du pyruvate.

La première étape de la dégradation du glucose est la glycolyse anaérobie aboutissant à la formation de deux molécules de pyruvate par molécule de glucose.
Les autres sucres comme le saccharose sont transformés en glucose par des enzymes de la cellule. Le fructose, lui, entre directement dans la chaîne métabolique. Deux molécules d'ATP sont également formées et des ions H+ sont captés par des composés R' accepteurs d'électrons désormais réduits en R'H2. Ces composés R' ont donc un rôle de navette.

A l'issue de la glycolyse, deux réactions successives interviennent, toujours dans le hyaloplasme. Une décarboxylation du pyruvate qui libère une molécule de dioxyde de carbone par molécule de pyruvate et produit un composé intermédiaire qu'est l'éthanal. De plus les composés R' sont régénérés par libération des ions H+, et deux molécules d'éthanal deviennent deux molécules d'éthanol.


Schéma simplifié des réactions fermentatives

Les levures n'ont pas pour intention première de produire de l'alcool. Elles essaient seulement de ne pas suffoquer en trouvant une alternative à la respiration. Elles renouvellent ainsi leur ATP mais de façon moins efficace. Quand le rendement énergétique d'une respiration est d'environ 40%, le rendement d'une fermentation n'est que de 2%, soit environ 20 fois moins. Cette différence importante dans les rendements énergétiques est due au fait que lors de la respiration, le glucose est complètement dégradé en molécules minérales (H2O et CO2), alors que lors de la fermentation alcoolique, il reste à l'arrivée de l'éthanol qui est une molécule organique et qui contient donc encore de l'énergie : la respiration est une dégradation complète du glucose tandis que la fermentation en est une dégradation incomplète.

Nous exploitons donc la capacité de la levure à survivre et à s'adapter à ce milieu pour produire de l'éthanol.


G) Conditions de réalisation

1. La température

La température doit être comprise entre 10°C et 35°C, la température optimale étant de 25°C. S'il fait trop froid, le processus est fortement ralenti. L'activité enzymatique est réduite et due à l'agitation molaire. A contrario, s'il fait trop chaud, l'activité enzymatique est nulle et de façon irréversible car les protéines sont dénaturées.


2. Le pH

Le pH (potentiel hydrogène) du milieu doit être légèrement acide. En effet, en changeant le pH, on change la charge totale de l'enzyme et donc la forme de la molécule, du fait de l'interaction des acides aminés, empêchant la reconnaissance d'un substrat. Il est généralement admis que le pH d'un bon moût doit être de 4,5/5.


3. Autre

De plus, l'alcool lui-même, produit des levures et conduit à leur destruction. Passé une certaine concentration, environ 18°, il devient un poison pour ces micro-organismes. C'est pour cela qu'un alcool issu de la fermentation ne peut jamais dépasser les 20°.


III - La distillation

Le but de notre distillation est de séparer les différents constituants d'un mélange liquide homogène afin d'extraire l'éthanol.



Comment augmenter le pourcentage en volume d'alcool grâce à la distillation ?



A) Principe de la distillation

Il s'agit d'une des plus vieilles méthodes de séparation de constituants d'un mélange liquide homogène, basée sur la différence des températures d'ébullitions des différents constituants.

Sous l'effet de la chaleur, les substances se vaporisent successivement, et la vapeur obtenue est condensée pour donner le distillat. La chauffe du moût peut être faite par bain-marie ou à feu nu.
Une distillation est donc une vaporisation suivie d'une liquéfaction.
L'alcool bout dès 78° C et l'eau à 100°C.

Une distillation classique n'entraîne pas de séparation complète du mélange de liquides.

Une distillation fractionnée, aussi appelée rectification, est une forme d'application de la distillation. Elle utilise le même principe que la distillation classique mais se distingue par l'utilisation d'une colonne de séparation. C'est dans cette colonne appelée colonne de Vigreux que le distillat est plusieurs fois condensé puis liquéfié par l'intermédiaire de « plateaux ». Le distillat se purifie donc au fur et à mesure.
Cette méthode est aussi utilisée dans l'industrie pour le fractionnement du pétrole.


B) Historique

La première forme de distillation, bien que primitive remonte approximativement à l'Antiquité (IIIème millénaire avant J-C) et n'était pas utilisée pour la distillation d'un alcool, mais pour la fabrication de parfums.
Des vases, considérés par les archéologues comme des alambics primitifs, ont été découverts dans le nord de l'Irak (Mésopotamie) et datent approximativement de –3 500 ans.

Schématisation de l'alambic découvert à Tepe Gawra (Irak) d'après Roget J. et Garreau Ch. (1990)

Un manuscrit du IVème siècle, écrit par un alchimiste alexandrin, Zosime de Panopolis, présenterait une illustration d'un alambic. Il est le plus ancien auteur connu ayant traité d'alchimie mais ses écrits ne sont connus que par des citations d'auteurs ultérieurs. C'est à cette époque que le terme d'alcool apparaît. Ce mot est issu d'une dérivation de l'arabe «al khôl» signifiant littéralement «la chose subtile».

C'est au Moyen-Âge que la première eau-de-vie est élaborée dans le domaine médicinal pour soigner notamment les enfants, causant néanmoins des dégâts mentaux et physiques sur leur santé à long terme. La distillation hydraulique c'est à dire dont le véhicule est l'eau devient alors alcoolique. Le premier traité à ce sujet, œuvre du chimiste français Arnaud de Villeneuve, est paru aux environs de 1311. La distillation se fait à partir d'un liquide ayant subi une fermentation alcoolique. Le produit obtenu est appelé « eau ardente », mais ce n'est qu'au 15iéme siècle que la commercialisation des alcools hors du domaine médicinal se développe. L'essor commercial de ce produit ne débute véritablement qu'au 17ème siècle.


C) Réalisation de notre distillation fractionnée

Notre but est d'extraire l'éthanol de notre solution car en effet, un moût ne contient pas que de l'éthanol. Il contient aussi de l'eau, divers alcools autres…
Nous avons tout d'abord pris un moût déjà préparé et fermenté dans un bain-marie. Une fois filtré, nous avons alors pu récupérer un filtrat homogène.

Le mélange à distiller est placé dans un ballon surmonté d'une colonne à distiller.
Dans notre cas, le ballon est chauffé par un chauffe-ballon et nous avons ajouté des morceaux de pierre ponce dans le moût pour éviter une ébullition violente.


En haut de la colonne, il y a un thermomètre afin de surveiller la température.

Lors du chauffage, la température évolue plus ou moins par paliers. Tant qu'un pallier de température n'est pas passé, c'est qu'un des constituants est en train de s'évaporer.
Les vapeurs des différentes espèces chimiques montent dans la colonne à distiller.
On trouve dans les premières vapeurs celle de l'espèce chimique la plus volatile et ainsi successivement.
Ces premières gouttes de la tête de distillation, les « produits de tête », doivent être écartées car elles contiennent des substances toxiques, notamment le méthanol dont la température d'ébullition est de 65°C et dont l'inhalation est toxique, voire mortelle.

Dès que la température se remet à monter, c'est que le constituant est complètement évaporé et donc récupéré. On change alors de récipient récupérateur au bout du réfrigérant pour la récupération du constituant suivant. On procède de la même façon pour chaque changement de palier de température.
A 78°C, une petite quantité de solution s'écoule : c'est de l'éthanol, véritable alcool buvable.
C'est le cœur du distillat. La concentration en éthanol dans le distillat a donc augmenté.
En pratique, une certaine proportion d'eau et de produits plus volatiles que l'éthanol entrent dans le liquide obtenu. Des distillations successives permettent d'augmenter la teneur en éthanol de la solution.


A 78°C, voici les premières gouttes !

Une fois tout le cœur de la distillation récupéré, la température augmente. La queue de la distillation, « produits de queue » ou « petites eaux », peut être récupéré, mais celle-ci est moins parfumée et moins alcoolisée car elle contient beaucoup d’eau.


D) L'étude du distillat

Nous pouvons désormais étudier notre distillat, produit fini !


1. Présence d'éthanol

Comme vu précédemment par notre expérience faite sur la partie fermentation, nous avons révélé la présence d'éthanol grâce à un éthylotest.


2. Détermination du degré alcoolique

Nous avons relevé pendant cette expérience différentes données :

La masse m du distillat : m = 9.54g
Le volume v du distillat prélevé à l'aide d'une pipette jaugée: v = 10x103 = 10 cm3

On suppose que le distillat obtenu n'est composé que d'eau et d'éthanol. De plus, on considère que les deux liquides sont idéaux, c'est-à-dire que les volumes se conservent lors du mélange.

De plus, on sait que ρ eau = 1g.cm-3 et que ρ éthanol = 0.79g.cm-3
Or ρ = m / V, donc m = ρV

Masse totale = ρ eau V eau + ρ éthanol V éthanol
Volume total = V eau + V éthanol

A.N. 9.54 = (1xV eau) + (0.79xV éthanol)
10 = V eau + V éthanol
1 x V eau = 9.54 – (0.79 x V éthanol)
10 = V eau + V éthanol
V eau = 9.54 – (0.79 x V éthanol)
10 = (9.54 – 0.79 V éthanol) + V éthanol
V eau = 9.54 – (0.79 x V éthanol)
10 – 9.54 = -0.79 V éthanol + V éthanol ⇔ 0.46 = 0.21 V éthanol ⇔ V éthanol = 0.46/0.21 ≈ 2.19 cm3 soit 2.19 x 103 L soit 2.19 ml

Or V eau = 9.54 - 0.79 x (0.46/0.21) ≈7.80 cm3 soit 7.80 x 103 L soit 7.80 ml

Il y a donc environ 2.19 ml d'éthanol et 7.80 ml d'eau dans notre distillat.
(2.19/ 10) x 100 ≈ 22%
(7.80/ 10) x 100 ≈ 78%
Nous avons donc obtenu un distillat composé à 22% d'éthanol et à 78% d'eau en volume.


Rencontre avec un bouilleur de cru

Soucieux du traditionalisme, nous sommes allés à la rencontre d'un distillateur aussi appelé bouilleur de cru haut-viennois. Sillonnant les routes, se présentant de village en village, il distille les fruits déjà fermentés que ses clients lui apportent. Lorsque nous sommes allés le voir, il distillait aux alentours de Compreignac. Les habitants des environs se rendent à l'alambic pour partager un moment de camaraderie, de convivialité, racontant des histoires de toute sorte.

Après présentation de son alambic lorsqu'on demande au distillateur quelles sont ses satisfactions à exercer son métier, il nous répond fièrement que c'est pour la convivialité.


Pour lui, ce n'est pas l'eau de vie naturelle qui tue, mais bien ces « cochonneries » que sont les cigarettes ou les drogues dures. Ainsi il ne comprend pas le choix de l'Etat quant à l'exercice de sa profession désormais en perdition.

Ses notions sont assez peu scientifiques, mais il applique un savoir-faire plutôt basé sur l'expérience que sur la réelle rigueur scientifique. C'est cette tradition qu'il aimerait préserver et faire partager avec les jeunes d'aujourd'hui.
Mais c'est avant tout avec fougue qu'il parle de son histoire, de cette passion qui l'anime.

« Plus le fruit est mûr, plus il y a d'alcool. L'alcool vient du soleil » affirme notre passionné.


Législation pour les distillateurs

En France, un bouilleur de cru est une personne habilitée à produire ses propres eaux-de-vie.
Les premiers privilèges de bouilleur de cru ont été accordés aux soldats de Napoléon et à leurs descendants. Ceux-ci pouvaient produire 1 000° d'alcool « pur » sans taxe, l'équivalent de 20 litres à 50°.
Plus tard, le privilège fut étendu à tous ceux qui exerçaient une activité agricole à titre principal et qui étaient affiliés à la MSA, le régime agricole des prestations sociales et familiales. Ce privilège fut héréditaire jusqu'au 1er septembre 1960.
C'est pour tenter de limiter le fléau de l'alcoolisme rural que la transmission entre générations a été interdite. La conséquence directe de cette législation est la disparition progressive de cette profession.


Qui peut faire distiller ?

En France, toute personne propriétaire d'une parcelle, ayant l'expression de verger ou de vigne sur le registre du cadastre, peut distiller les produits issus de cette parcelle. La distillation est effectuée après avoir établi une déclaration au service des Douanes et Droits Indirects. Les personnes qui ne possèdent pas le titre de bouilleur de cru payent dès le premier degré d'alcool : le tarif est de 7,50 € par litre d'alcool pur jusqu'à mille degré et 14,50 € par litre d'alcool pur au-dessus. Le propriétaire d'une parcelle peut donner procuration à quelqu'un qui distillera ainsi en son nom.


Conclusion

Au fil de différentes étapes de transformation de poires, nous avons obtenu un alcool comestible.
Ces transformations jusqu’à l’obtention de notre produit fini ont permis différentes expériences qui nous ont fourni des données quantifiées.
Nous avons ainsi démontré que ces poires contenaient environ 100 g de sucre par litre de jus puis ont subi une fermentation aboutissant à une première boisson alcoolisée à environ 6 % en volume d’éthanol pour finir par une distillation qui a permis l’élévation du taux d’alcool à 22 % en volume d’éthanol.
Cet alcool pourrait ensuite être distillé de nouveau pour augmenter le degré alcoolique.
Une nouvelle chaîne de transformation pourrait être mise en place. En effet, cette solution pourrait ainsi être à la base de macération consistant à mettre en contact diverses substances avec de l’alcool « neutre ». Ainsi, de nouvelles saveurs pourraient être créées.